Dix cinéastes suisses se sont associés pour une fable très noire et très ironique sur un pays problématique : le leur. Un cataclysme climatique mystérieux, bizarrement limité à ses frontières, menace la Confédération. Il faut fuir. Les habitants sauveront-ils leur peau ? La parabole est claire : nous sommes les plus riches du monde, les plus à l’abri. Que se passerait-il si le pays cessait d’être à l’épreuve de tous les malheurs du monde ? On passe d’une scène à l’autre avec beaucoup d’habileté, la science-fiction est assumée et on s’accroche volontiers à un récit très crédible. On ne saura qui a signé quoi parmi ces dix jeunes réalisateurs et c’est une preuve de l’habileté de la construction du film. Ce fut l’unique film suisse en compétition en 2015 à Locarno, où le public local était donc directement concerné. Malgré les qualités des mises en scène et la cohérence formelle du film, on est pourtant gêné par un aspect politique essentiel. L’idéologie présente est surtout punitive, masochiste : coupables d’être suisses en quelque sorte. C’est une limite qui invalide un peu le projet. Il reste qu’un éclat de rire embarrassé mais massif accueillit à Locarno la scène où les douaniers européens refoulent les « réfugiés suisses » tentant d’échapper à des malheurs dont ils croyaient être pour l’éternité protégés.
René MARX
Heimatland. Film suisse de Lisa BLATTER, Gregor FREI, Benny JABERG, Carmen JAQUIER, Jonas MEIER, Tobias NÖLLE, Lionel RUPP, Mike SCHEIWILLER, Jan GASSMANN, Michael KRUMMENACHER (2015), avec Peter JECKLIN, Dashmir RISTEMI, Julia GLAUS. 1h 39.
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