Une œuvre de Kyoshi Kurosawa est toujours un événement pour les cinéphiles. Surtout quand il s’agit d’un film de fantômes, qui devient dès lors un ajout à son travail préexistant (sur le genre horrifique traditionnel). Vers l’autre rive revisite effectivement des figures des précédents longs métrages du cinéaste, mais il le fait en opérant un glissement, l’épouvante classique se transformant en une sorte de mélodrame funéraire. Une femme retrouve un homme qu’elle a aimé, et qui est mort. Pas d’explication, juste la volonté du défunt de mettre certaines choses au point avant son départ définitif. Ce canevas traitant du travail de deuil, qui peut rappeler L’Amour à mort ou Truly, Madly, Deeply, permet à l’auteur de déployer son extraordinaire science du cadre, à travers une série de rencontres où le fantastique est teinté d’une mélancolie très humaine. L’apparition du « monstre » et le glissement dans l’horreur se fera d’ailleurs sous une lumière plus mélodramatique qu’horrifique, Kurosawa livrant au final l’un de ses films les plus beaux et les plus touchants, sommet d’une œuvre pourtant déjà imposante.
Pierre-Simon Gutman
Kishibe no tabi. Film japonais de Kiyoshi Kurosawa (2015), avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano, Yu Aoi. 2h 07.
https://www.youtube.com/watch?v=BvkCYlcvFXs