Pour sa première réalisation, le fils de Jean-Paul RAPPENEAU, qui s’est imposé comme scénariste en une décennie, dans l’ombre des meilleurs, a décidé de porter à l’écran un roman graphique de Camille JOURDY. Un coiffeur provincial solitaire étouffé par une mère abusive entreprend de surveiller une mystérieuse épicière, tandis qu’un trio de donzelles ne perd rien de son manège à son insu. Mais il convient de se méfier des apparences car cette mise en perspective à géométrie variable réserve bien des surprises. Au-delà de l’histoire à tiroirs qu’il raconte, avec beaucoup de roublardise, RAPPENEAU junior s’attache d’abord à des personnages qui ont en commun de posséder une zone d’ombre, à l’instar de cette fameuse Rosalie Blum que campe Noémie LVOVSKY, de ce Vincent MACHOT qui permet enfin au héros de Bref, Kyan KHOJANDI, de trouver un rôle à sa démesure au cinéma, voire de la foldingue d’anthologie qu’incarne une Anémone comme on ne l’a pas vue depuis des lustres. Rosalie Blum est un jeu de pistes ludique qui s’assume en tant que tel et prend un plaisir contagieux à nous entraîner sur de fausses pistes, en nous laissant miroiter une quête du Graal en forme de leurre. L’essentiel se trouve ailleurs : dans les liens que nouent les différents personnages et les illusions trompeuses qui les guident. Ce premier film en forme d’exercice de style à la modestie assumée distille toutefois un plaisir simple. De ceux qu’on ressent après avoir rempli une grille de sudoku ou de mots croisés.
Jean-Philippe GUERAND
Film français de Julien RAPPENEAU (2015), avec Kyan KHOJANDI, Noémie LVOVSKY, Alice ISAAZ, Anémone. 1h35.