10 février 2016

Peur de rien de Danielle ARBIB

De l’immigration, on n’a de nos jours qu’une vision politique chargée de douleur et de souffrances. Aux antipodes de ces préoccupations, Peur de rien se présente comme la chronique d’apprentissage d’une étudiante libanaise qui essaie de s’intégrer dans la société française des années 90, expérience qu’a vécue elle-même sa réalisatrice et qu’elle a scénarisée avec la collaboration de Julie Peyr, la complice habituelle d’Arnaud Desplechin. Les deux atouts majeurs de cette Rastignac en jupons résident dans une détermination et une absence de préjugés qu’autorisent seuls la jeunesse et son culot. Constamment au plus près de ses personnages, Danielle Arbid a trouvé en Manal Issa une interprète subtile et charismatique qui s’impose comme une authentique révélation, tant elle embrase l’écran de sa fraîcheur et de son naturel. Cette inconnue filmée avec une rare sensualité par Hélène Louvart est de toutes les scènes et se jette bille en tête dans une croisade qui correspond aussi pour elle au passage à l’âge adulte. Découvrir aujourd’hui ce portrait de femme orientale libérée n’est pas non plus innocent, tant il va à l’encontre de certains préjugés contemporains et souligne la régression de cette condition. Le Paris que filme Arbid est une ville lumière qui attire la convoitise et le désir du monde entier, comme elle le fut il y a un demi-siècle dans les films de la Nouvelle Vague. Peut-être faut-il des regards venus d’ailleurs pour lui rendre cet attrait qui s’est émoussé entre-temps.

Jean-Philippe Guerand

Film libanais de Danielle Arbid (2016), avec Manal Issa, Vincent Lacoste, Damien Chapelle. 1h 59.


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