Le nouveau film de Pablo Trapero, coproduit par les frères Almodóvar, Lion d’Argent au dernier festival de Venise et grand succès public en Argentine, est inspiré d’une histoire vraie qui avait horrifié le pays après la fin de la dictature, au début des années 80. Un collaborateur des militaires chassés du pouvoir compensa cette perte de revenus par l’organisation de kidnappings en famille. Subjuguant son fils, International de rugby, ses filles adolescentes qui préféraient tout ignorer, son épouse, honorable enseignante, que rien n’empêchait de remplir ses devoirs de femme d’intérieur, il enchaînait et torturait dans sa cave de riches otages qu’il tuait après avoir touché l’argent de leur rançon. L’horreur du récit de Trapero, au-delà même de la souffrance des victimes, vient de la domination incarnée par ce père implacable, bon voisin et commerçant respecté. L’homme annihile toute possibilité de réaction morale de sa famille, toute révolte, par la seule force de son autorité d’hypnotiseur. Guillermo Francella, pourtant célèbre comme acteur comique, sert admirablement le rôle et la conclusion de cette épopée sinistre n’est pas, on le verra, moins glaçante que son déroulement. Ce thriller moral, mené en grand metteur en scène par Trapero, prend une dimension particulière si l’on songe à la parabole politique qu’il suggère dans un pays qui a vu le fascisme de trop près.
René Marx
Film argentin de Pablo Trapero (2016), avec Guillermo Francella, Peter Lanzani, Gastón Cocchiarale, Antonia Bengoechea, Stefanía Koessl. 1h 50