Malgré la beauté de ce film, comparer Ira Sachs et Woody Allen serait une erreur. Le déménagement d’une famille de Manhattan à Brooklyn, avec ses conséquences sociales, morales, humaines aurait suscité des envolées narratives chez Allen et les préoccupations politiques auraient sans doute brillé par leur absence. Allen aurait été génial, comme à son habitude, mais il n’aurait certainement pas réalisé ce film-là. Au contraire, la force de Sachs est de coller au présent, gentrification, portrait d’adolescents ultra-contemporains, délicatesse sentimentale, absence de conclusion, refus de toute idéalisation. L’appel évident au Bonjour de Ozu, les enfants grévistes de la parole pour s’opposer à leurs parents, n’a rien s’écrasant pour Sachs. Il est assez proche du maître japonais dans son traitement de nuances sentimentales microscopiques. Et Truffaut n’est pas loin non plus, quand Sachs décrit l’amitié subtile des deux garçons réunis par les hasards du monde adulte. Beaucoup de bonnes fées se penchent donc sur ce sixième film de Sachs, auxquelles il faudra ajouter les fées Sociologie et Morale. Pas mal pour un film bref, apparemment simple et qui devrait ravir le public autant que le précédent, Love is Strange.
René MARX
Film américain de Ira SACHS (2016), avec Théo TAPLITZ, Michael BARBIERI, Greg KINNEAR, Jennifer EHLE, Paulina GARCIA. 1h 25
https://www.youtube.com/watch?v=Ri6WtDOMYpg