Comme le fameux Amy d’Asif KAPADIA, Whitney souligne combien il est difficile de parvenir au firmament de son art en toute sérénité dans un monde qui flirte avec les paradis artificiels. Pourtant, contrairement à la chanteuse anglaise, la reine de la soul américaine a entretenu pendant des années l’image d’une femme épanouie qui avait tout pour elle : la passion, la gloire et la beauté. Sa mort tragique à 48 ans a toutefois démontré combien sa déchéance avait été douloureuse. L’intelligence du film que lui consacre le réalisateur de Marley réside dans le fait que la vérité met beaucoup de temps à y éclater et qu’il la laisse apparaître telle qu’elle a fini par s’imposer à lui, à force d’interviewer des témoins dont la sincérité et l’unanimité lui paraissaient douteux. Sans dévoiler la conclusion sordide de son enquête, il convient de souligner l’intérêt de cette démarche qui consiste pour un documentariste à s’effacer derrière son sujet lorsque la réalité ne cadre pas avec ce qu’il en escomptait. Une quête rigoureuse et interactive qui a donné lieu naguère à l’un des meilleurs films consacrés à un chanteur : le fameux Sugar Man de Malik BENDJELLOUL. Whitney s’impose comme une formidable plongée dans un monde régi par une omerta collective où le mythe étant plus flatteur que la vérité, c’est lui qu’il convient de perpétuer, comme le préconise John Ford dans la fameuse sentence de L’Homme qui tua Liberty Valance : « Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende. »
Critique de Jean-Philippe GUERAND
Film documentaire britannique de Kevin MacDONALD (2018), avec Whitney HOUSTON, Bobby BROWN, Cissy HOUSTON. 2h.