Une jeune femme qui veut quitter le cocon familial. Une mère solitaire, ayant peur de la vie sans son enfant, devenu grand. A partir de ce canevas classique, banal presque, la cinéaste espagnole Celia Rico CLAVELLINO signe un beau premier long métrage en faisant bouger en permanence, de manière douce et parfois imperceptible, les lignes du récit, des personnages, de leurs attentes. Rien ne se passe comme prévu dans Viaje, du séjour londonien de la fille, au retour à la vie solitaire de la mère. Le terme « sensible », devenu un cliché dans les armes du critique ciné, est pourtant ici parfaitement adapté : tout se joue en creux, dans les silences et les non-dits entre les personnages. Une atmosphère étrange, ouatée mais bienveillante, imprègne le film et ses protagonistes. Il s’y joue une découverte presque vieille comme le monde : c’est dans l’absence, l’éloignement, que l’on peut se redécouvrir soi-même, mais également l’autre. La jeune femme qui se confronte à un monde plus dur que prévu, la vieille dame qui se découvre plus forte qu’elle ne pensait. En cette époque de cinéma parfois un peu hystérique, Viaje prend son temps pour dérouler ses thèmes, mais sans jamais être contemplatif. Il refuse la dramatisation parfois forcée dans la description des rapports familiaux, pour opter pour la chronique attentive. S’en émane plutôt une forme de chaleur douce, brandie contre la dureté du monde contemporain.
Critique de Pierre-Simon GUTMAN
Viaje. Film espagnol de Celia Rico CLAVELLINO (2019), avec Lola DUENAS, Anna CASTILLO, Pedro CASABLANC. 1h45.