Après un premier film en 2009 consacré à la tragédie rwandaise, Le Jour où Dieu est parti en voyage, Philippe VAN LEEUW, qui est aussi chef-opérateur, a imaginé un huis clos dans une ville syrienne dévastée par la guerre. Sans enquête particulière, il s’est fié à sa sensibilité pour ce conte moral souvent bouleversant. Comme dans Clash, le récent film de Mohamed DIAB, qui était sans doute plus abouti parce que plus risqué formellement, le huis clos est un outil de narration fécond. Un appartement, une grande famille, des voisins qu’on héberge comme on peut et, dehors, les bombes et le massacre. Au centre de ce jeu cruel une femme qui refuse simplement d’abandonner la maison où elle a passé sa vie. Rappelant par son intransigeance le personnage joué par Sonia BRAGA dans Aquarius, Oum YAZAN, jouée par l’indispensable Hiam ABBASS, a pour seule arme son obstination face au destin criminel. Toute la troupe de cet apologue ultra-contemporain, tourné par nécessité à Beyrouth et évidemment pas en Syrie, contribue à la force du propos. On pourrait reprocher au réalisateur de s’être dispensé de toute intention documentaire, d’avoir pris la Syrie comme prétexte plutôt que comme sujet. Mais il tient son système dramaturgique avec assez de rigueur pour qu’on oublie assez vite cette objection. Le propos de VAN LEEUW est d’abord éthique. Qu’est-ce qu’une conscience face à l’abjection des circonstances ? Les hommes du film sont presque absents, un jeune marié vite emporté, un vieillard rongé par le regret de la paix, des soudards sans nom, quelques combattants mal identifiés. Les femmes du film, centrales, montrent une force dont l’unique adversaire est la brutalité.
Critique de René MARX
Film franco-belge de Philippe VAN LEEUW (2016), avec Hiam ABBASS, Diamand ABOU ABBOUD, Juliette NAVIS. 1h 26.