Étonnant tropisme que celui de la jeune réalisatrice américaine d’origine chinoise Chloé ZHAO qui puise son inspiration au plus profond de la culture westernienne.
Après Les Chansons que mes frères m’ont apprises (2015), un premier film remarqué sur la dérive identitaire des tribus indiennes livrées à elles-mêmes dans une Amérique qui les a lentement saoulées à l’eau de feu et parquées dans des réserves, elle signe avec The Rider le portrait désenchanté d’un cavalier de rodéo victime d’une chute irrémédiable qui va lui interdire d’aller au bout de son rêve. Il y a dans ce tableau de mœurs impressionniste et sensible d’irrésistibles réminiscences des Misfits (1961) de John HUSTON ou du Cavalier électrique (1979) de Sydney POLLACK. Comme l’amertume de personnages condamnés par leur époque que rehausse leur interprétation par les membres d’une même famille, cette cellule constituant le cœur de son œuvre et ses deux premiers opus s’imposant comme les facettes complémentaires d’une même médaille. Chloé ZHAO dépeint à merveille une Amérique désenchantée qui n’a plus sa place sur les écrans, mais s’accroche à une mythologie rendue dérisoire par un progrès d’autant plus illusoire qu’il ne repose lui-même que sur une course au profit effrénée. Elle excelle à filmer la noblesse déchue de ses protagonistes au plus près et à utiliser les armes du cinéma du réel pour donner chair à ces proscrits de l’Amérique dite profonde qui constituent une alternative méconnue aux électeurs de Donald TRUMP.
Critique de Jean-Philippe GUERAND
Film américain de Chloé ZHAO (2017), avec Brady JANDREAU, Lane SCOTT, Cat CLIFFORD. 1h45.