Depuis la mort de Lino Brocka, le cinéma philippin semblait en mal de reconnaissance internationale. Jusqu’à ce que Brillante Mendoza impose progressivement sa petite musique. Une musique aigre et parfois détonante, mais qui ne laisse pas indifférent. Ma Rosa est à cet égard sans doute son film le plus abouti, et peut-être aussi le plus à même à fédérer différents publics. L’histoire est celle d’une femme du peuple, épicière de son état, qui pour arrondir ses fins de mois accepte de vendre un peu de drogue parmi d’autres articles. Elle se fait arrêter. La police n’acceptera de la libérer que contre le paiement d’une forte amende. Autant parler de racket institutionnel. Les enfants de l’héroïne devront faire feu de tout bois pour trouver l’argent dans un laps de temps donné… Il y a donc un peu de suspense dans le film, mais celui-ci vaut d’abord par une plongée sans concession dans la société philippine. Mendoza a veillé à imprimer à son œuvre un aspect documentaire, la caméra semblant perdue au milieu de la foule, le grain de l’image restant gros dans la nuit, les couleurs désaturées au possible, les comédiens croisant des amateurs à chaque plan… Mais bien entendu ce naturalisme est le fruit d’un travail exigeant qui laisse peu au hasard. Nous vibrons à l’unissons des proches de Ma Rosa avec d’autant plus de ferveur que la comédienne qui lui prête vie est absolument exemplaire. Elle a d’ailleurs décroché le Prix d’interprétation au dernier Festival de Cannes où le film était présenté. Laissant parmi les festivaliers, pourtant blasés, le souvenir d’une œuvre courageuse, tant sur le fond que sur la forme.
Yves ALION
Film philippin de Brillante MENDOZA (2016), avec Jaclyn JOSE, Julio DIAZ, Felix ROCO. 1h 50.