Après avoir provoqué des débats et des papiers enflammés lors de sa présentation cannoise, Sauvage reste ce qu’il est : un faux film trash, dont les débordements cachent plus ou moins une sorte d’étrange romantisme moderne et désespéré, plutôt touchant. Au centre de ce premier long métrage de Camille VIDAL-NAQUET se tient donc un jeune homme, brillamment incarné par Félix MARITAUD. Un jeune homme qui n’a rien, à part son corps et les vêtements le recouvrant, qui survit au jour le jour en se donnant aux passants. Une trame qui flirte avec le misérabilisme, mais qui est sans arrêt contrarié par son principal personnage, une sorte de merveilleux naïf dont l’amour, sans doute sincère, pour l’un de ses compagnons d’infortune, modifie le propos. Ce dernier lui rend ce sentiment sans le lui rendre, en manifestant un intérêt protecteur mais pas, en apparence, d’amour. Il ne s’agit alors plus d’observer une certaine misère, mais de regarder la beauté, la fragilité, capable d’y subsister. Le film se déploie dans un grand écart délicat, mais réussi, entre cette sauvagerie parfois choquante (éprouvante séquence avec deux sadiques), et le regard éperdu, les sentiments à fleur de peau, de cet étrange héros. Jusqu’à une extraordinaire conclusion, qui renverse toutes les données en balayant d’un coup les théories sociologiques ou idéologiques sur ce petit monde, ou son principal protagoniste. En bousculant un sens trop évident, le cinéaste confère à Sauvage une épaisseur et un mystère qui font tout son prix.
Critique de Pierre-Simon GUTMAN
Film français de Camille VIDAL-NAQUET, avec Félix MARITAUD, Eric BERNARD, Philippe OHREL. 1h37.