Il existe des histoires d’amour impossibles. Celle qui lie une détenue et le directeur de sa prison, par exemple. Tel est le postulat développé par Florent Gonçalves dans son livre Défense d’aimer où il relate cette aventure pourtant authentique survenue à une jeune fille emprisonnée après avoir servi d’appât au Gang des barbares. Cet aspect du personnage est totalement gommé du film qu’en a tiré Pierre Godeau. Il aurait sans doute faussé la donne. Loin des stéréotypes auxquels nous a accoutumés le cinéma carcéral, Éperdument s’impose en premier lieu par ses deux interprètes principaux, Guillaume Gallienne, dans un contre-emploi radical qu’il aborde avec une retenue exemplaire, lui si prompt à composer, et Adèle Exarchopoulos, plus animale qu’elle ne l’a jamais été depuis La Vie d’Adèle. Ce couple improbable, le metteur en scène le filme avec une empathie troublante, comme pris au piège de la passion qui le submerge. Tirant parti habilement de ce quasi huis clos, il escamote un à un les personnages secondaires, comme pour nous signifier que la passion absolue de ceux qui la vivent les conduit à faire fi de leur entourage. Un parti pris réussi qui passe parfois par des invraisemblances assumées, comme ces scènes où les amoureux partagent un instant de cette intimité interdite, au beau milieu d’un lieu confiné et sous haute surveillance. Godeau réussit à nous entraîner dans sa ronde en rapprochant ses deux interprètes à partir de tout ce qui les oppose, reflet fidèle de leur union “contre nature”.
Jean-Philippe GUERAND
Film français de Pierre GODEAU (2015), avec Guillaume GALLIENNE, Adèle EXARCHOPOULOS, Stéphanie CLÉAU. 1h 50.