Le scénario du film était prêt depuis des lustres, mais le moins que l’on puisse dire est qu’il n’était pas « politiquement correct », notamment pour ce qui était du rôle des autorités américaines. Il a donc fallu attendre pour voir cette Opération Beyrouth, qui se déroule pour l’essentiel dans les années 80, alors que le Liban est en proie à une guerre civile aussi effroyable que confuse. Mais notre attente n’est pas déçue. D’abord parce que le film est un thriller de la meilleure veine, qui nous attache au pas d’un homme en proie à des démons inextinguibles, mais fin connaisseur du terrain. Souvent à l’épaule, la caméra nous entraîne dans une ville en pleine effervescence, où chaque coin de rue peut s’avérer un piège mortel. Le suspense est d’autant plus grand qu’il n’est pas aisé de situer chacun des personnages sur l’échiquier des passions communautaires. Car là est le second atout du film, qui nous plonge dans un maelstrom politique où il est difficile de reconnaître les siens. La CIA, les Palestiniens, les Chrétiens, les Druzes, et bien sûr le voisin israélien, etc. ont tous leurs raisons, qui ne sont pas dénuées d’arrière-pensées et de coups tordus. On l’aura compris : nous sommes ici plus proches de John Le Carré que de James Bond. Et c’est tant mieux. Le cinéma (souvent américain) possède cette capacité de nous donner à voir avec précision certaines parties du globe au moment d’une éruption sociale ou politique. Nous nous souvenons de L’Année de tous les dangers (en Indonésie), de La Déchirure (au Cambodge), de Shooting Dogs (au Rwanda), etc. Opération Beyrouth se range parmi les incontestables réussites du genre. Qui nous laisse entrevoir ce que sera dans quelques années un film sur l’effroyable bordel syrien…
Critique de Yves ALION
Beirut. Film américain de Brad ANDERSON (2017), avec Jon HAMM, Rosamund PIKE, Dean NORRIS. 1h49.