Voici un objet cinématographique comme vous n’en avez probablement jamais vu. En voix off, son réalisateur évoque une rupture sentimentale douloureuse et ses conséquences : son isolement dans le village alsacien où l’a entraîné cette histoire d’amour sans issue et où il entreprend de noyer son chagrin, sa solitude et son désœuvrement. Il se plonge alors dans la vision frénétique de films de toutes les origines et de toutes les époques dont il va utiliser des plans pour illustrer ses réflexions intimes sur cette période chaotique où sa douleur personnelle se trouve confrontée à l’homophobie ambiante dans une France encore sous le choc des attentats terroristes de 2015. La démarche de Frank BEAUVAIS est d’autant plus singulière qu’elle s’apparente à un geste de poésie pure qui aurait sans doute plu aux surréalistes. Il évite les effets faciles et se garde de plaquer sur ses considérations intimes, souvent douloureuses, des images illustratives voire tautologiques. Le résultat est un cri du cœur magnifique qui puise aux sources cinématographiques les plus variées, sans qu’il soit vraiment possible aux spectateurs les plus attentifs d’identifier des images souvent fugitives parmi lesquelles de nombreux plans de coupe tirés parfois d’œuvres fort célèbres qu’on découvre au générique de fin. Ces cadavres exquis associés à une prose sobre mais percutante engendrent une expérience sensorielle unique qui chemine longtemps dans notre mémoire en y laissant des traces parfois indélébiles.
Critique de Jean-Philippe GUERAND
Ne croyez surtout pas que je hurle. Film français de Frank BEAUVAIS (2019). 1h15.