Dans un palace de Sarajevo au nom chargé de symboles (l’hôtel Europe) où se pressent des diplomates conviés à célébrer le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale, alors que le personnel se prépare à se mettre en grève, les revendications du présent télescopent les spectres d’un passé entêtant. En portant à l’écran la pièce de Bernard-Henri LEVY, Hôtel Europe, le réalisateur bosniaque de No Man’s Land (2000) réussit la gageure de mettre en miroir l’histoire d’une ville martyrisée en s’appropriant son propos. Jacques WEBER y campe un écrivain français en qui on ne peut s’empêcher de reconnaître la figure du philosophe si attaché au droit d’ingérence sur tous les fronts. Avec sa stature de colosse aux épaules tombantes, ce n’est évidemment pas un hasard s’il évoque le géant Atlas portant le poids du monde. Mort à Sarajevo apparaît comme la parabole d’un continent en quête de repères où la construction de l’Union Européenne va de pair avec un morcellement identitaire dont l’ex-Yougoslavie incarne l’absurdité anachronique. En filigrane de ce discours universel affleurent des revendications sociales qui renvoient quant à elles aux conséquences du passage du communisme au capitalisme. Là où la pièce ne tint l’affiche que pendant deux mois de l’automne 2014 au Théâtre de l’Atelier, le film prend une dimension plus universelle qui lui a valu un Ours d’argent à Berlin et mérite de retenir l’attention du public, à un moment où les intellectuels engagés deviennent rares.
Critique de Jean-Philippe GUERAND
Smrt u Sarajevu. Film franco-bosniaque de Danis TANOVIC (2016), avec Jacques WEBER, Snezana MARKOVIC, Izudrin BAJROVIC. 1h 25
https://www.youtube.com/watch?v=tiTc202N2vk