Premier film d’une metteuse en scène de théâtre très prestigieuse outre-Manche, ce Marie Stuart permet à Saoirse RONAN de succéder à Zarah LEANDER, Katharine HEPBURN, Vanessa REDGRAVE. Et même à un personnage pré-cinématographique, puisque William HEISE, au service de Thomas EDISON, fit tomber la tête de la pauvre reine dans une bande d’août 1895 qui en 18 secondes inventait le trucage par arrêt de la caméra
Ce qui est nouveau ici est la mise en place complexe du rapport entre deux reines, Marie et Elizabeth. Dans une perspective profondément féministe, la réalisatrice fabrique un film politique subtil en montrant deux femmes convaincues de leur légitimité respective (sentiment fondé historiquement par l’idéologie aristocratique), attachées à la fois à leur cousinage et à leur rivalité. Marie est une femme politique, une guerrière. Elle a été reine de France quelques mois, son combat pour le pouvoir se heurte à la puissance d’Elizabeth. Mais sa chute est accélérée par une vraie campagne d’opinion : une femme de pouvoir, catholique de surcroît, est facilement ruinée par des attaques sur sa perversité supposée. Le mot de « putain » est toujours efficace quand on veut tuer son ennemie. Le film sort trois semaines après La favorite, avec une mise en scène beaucoup moins tape-à-l’œil que celle de Lanthimos et une réflexion historique autrement fine. Visuellement, l’invention est constante, jamais complaisante, les deux comédiennes sont portées par la grande ambition de la réalisatrice. Ce qui était superficiel chez LANTHIMOS, pourtant grand styliste, devient passionnant dans ce film d’une débutante. ROURKE a pensé son film avec dix longueurs d’avance, là où le cinéaste grec se laissait aller à amuser la galerie.
Critique de René MARX
Mary Queen of Scots. Film anglo-américain de Josie ROURKE (2019), avec Saoirse RONAN, Margot ROBBIE, Jack LOWDEN. 2h04.