Le neuvième long métrage d’Emmanuel MOURET est son premier film en costumes. Il y interprète un passage de Jacques le fataliste, déjà adapté par Robert BRESSON dans Les Dames du bois de Boulogne. Pour chaque personnage de cette histoire, l’apparence sera trompeuse. Vice et vertu paraissent d’abord entrelacés. Le Libertin, la Veuve retirée du monde, la Jeune fille fascinante, la Mère déclassée, toutes ces étiquettes tomberont, avec la déception, la vengeance et le drame. Comme toujours chez Mouret, l’élégance, le goût du romanesque et la mise en scène de la parole structurent le récit, et le film lui-même. La parole est l’articulation première. Le goût de la conversation du XVIIIème siècle coïncide exactement avec l’univers du cinéaste. Un siècle auquel on pense depuis son premier film, pourtant tous situés jusqu’à celui-ci dans le monde d’aujourd’hui. La composition du film est d’une grande habileté. Celle qui donne son nom au film apparaît peu à peu. D’abord silhouette ravissante dans l’ombre des protagonistes, elle sera sur le même plan dramatique qu’eux à la fin du récit. Mouret amène ces glissements narratifs avec précision, soutenu par cinq comédiens exceptionnels. Si le ton diffère de celui des Liaisons dangereuses, c’est qu’on quitte l’architecture artificielle et brillante des manipulations libertines pour laisser place aux émotions, aux passions, à une violence plus sentimentale que cynique. Si les paroles sont importantes, Mouret n’oublie jamais l’intensité des visages, des physionomies (Edouard BAER ressemble aux portraits de Diderot, dans sa mise un peu débraillée, négligée, plus libertaire que libertin.) Plus que d’habitude, Mouret nous montre les arbres, les jardins, les rivières comme des personnages à part entière. Et une fois de plus, il s’interroge sur L’Art d’aimer.
Critique de René MARX
Film français d’Emmanuel MOURET (2018), avec Édouard BAER, Cécile DE FRANCE, Alice ISAAZ, Natalia DONTCHEVA, Laure CALAMY. 1h49