Deux jeunes Parisiens d’aujourd’hui, nouvellement mariés, portant la mémoire de leurs grands-parents juifs polonais, visitent le village où leur communauté fut détruite il y a trois quarts de siècle. Troisième génération, retour dans un pays qui gère étrangement la mémoire de la Shoah, accueillant à Cracovie les pèlerins dans une atmosphère de commercialisation assez sordide. Se frayer un chemin dans le temps et l’espace, voilà le défi des deux personnages. Un temps qui s’éloigne chaque jour, un espace qu’ils interprètent avec difficulté. La réalisatrice, dont c’est le premier long métrage, choisit le ton de la comédie, sur le fond de gravité de son sujet. Elle s’inspire d’un voyage qu’elle fit véritablement il y a une dizaine d’années avec son mari. Elle tient habilement le road movie amoureux et conflictuel de ses deux Parisiens ultra-contemporains, grâce à des acteurs énergiques, sûrs de leur rythme comique et émotionnel. Ils se confrontent tous deux à l’exotisme bizarre et inquiétant d’une Pologne volontiers amnésique. Ils ne comprennent pas tout, sont embarrassés par leurs propres failles, leurs rapports avec des parents nés après la catastrophe et incertains eux-mêmes de leurs propres sentiments. La troupe des acteurs est d’une telle qualité (la réalisatrice les a choisis et les dirige avec un goût impeccable) que les défauts de construction deviennent secondaires. Un film parfois maladroit, désordonné, mais toujours intelligent, émouvant.
Critique de René MARX
Film français d’Élise OTZENBERGER (2018), avec Judith CHEMLA, Arthur IGUAL, Brigitte ROÜAN, Isabelle CANDELIER. 1h28