Un grand auteur se reconnaît aux obsessions qu’il ressasse et à sa capacité à les recycler. Sous couvert d’aborder un genre qui lui était jusque-là étranger, le cinéma d’aventure, James Gray brise le moule et signe l’un de ses films les plus intimes. Son personnage principal (authentique), Percy Fawcett, est un colonel britannique chargé de cartographier en 1906 la frontière séparant le Brésil de la Bolivie qui va être gagné peu à peu par une obsession : découvrir les traces d’une civilisation précolombienne nichée au cœur de la forêt amazonienne. Pour assouvir cette quête devenue quasiment mystique et mener plusieurs expéditions successives au cours desquelles il entreverra l’eldorado sans l’atteindre tout à fait, il va sacrifier sa vie de famille, avec le soutien littéralement sacrificiel de son épouse (admirable Sienna Miller en Pénélope attendant le retour d’Ulysse), mais au risque de se priver de voir grandir ses enfants. Jusqu’au moment où il entraînera à son tour l’aîné dans son rêve fou, lui offrant ainsi le cadeau le plus précieux qu’un père puisse transmettre à son fils. Sur un registre aux antipodes de Little Odessa (1994), dont il revisite la thématique, The Lost City of Z est un magnifique éloge de la paternité qui tranche avec la production américaine contemporaine survitaminée aux effets spéciaux. Ce film magistral doit davantage au Greystoke (1984) de Hugh Hudson et à La forêt d’émeraude (1985) de John Boorman qu’aux aventures d’Indiana Jones ou de King Kong.
Critique de Jean-Philippe GUERAND
Film américain de James GRAY (2017), avec Charlie HUNNAM, Robert PATTINSON, Sienna MILLER. 2h 17.