03 septembre 2019

Liberté d’Albert SERRA

Il y a, au cœur du nouveau long métrage d’Albert SERRA, un mélange entre extrême rigueur et totale liberté, qui permet au fond et à la forme du projet de porter une harmonie pensée, derrière la provocation des images. La rigueur vient de la dimension quasiment théâtrale de l’intrigue, portée par la vieille et fameuse unité des trois, peu appliquée ces derniers temps, mais ici bien tenue. Soit un groupe de libertins, au milieu d’une forêt, occupés à ce qui semble d’abord une assemblée sérieuse et politique (liée à leur exil de la cour et leur besoin de nouveau protecteur) avant de se livrer à une bacchanale radicale, entre l’orgie et la messe noire, où l’humiliation, la cruauté et le plaisir ne sont jamais éloignés. C’est cette nuit, ses activités, son déroulé quasi abstrait, que filme le cinéaste. Avec les mêmes questions, qui reviennent au cœur de son art. Comment filmer l’intime, touchant ici à un secret (la sexualité et ce que l’on appellera, pour appeler vite et de manière un peu fausse, la perversité) ? Liberté va souvent loin dans sa représentation, et choquera peut-être. Mais cela ne semble pas le propos, tant il y a dans l’œuvre une sorte de naïveté pure, de foi en un cinéma ancien et magique (voir la scène de l’orage). Car ce que filme Serra est également un micro monde contenu dans quelques mètres carrés : la nature, les ombres, la forêt et l’humidité, quelques humains entre eux, sans retenue ni tabous, bien entendu. Une forme de pureté, d’idéal, loin des apparences scabreuses. Un morceau de cinéma pur, onirique et réaliste, comme à son premier âge.

Critique de Pierre-Simon GUTMAN

Film franco espagnol d’Albert SERRA (2019), avec Marc SUSINI, Iliana ZALBETH, Helmut BERGER. 2h12.


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