« …l’abîme n’a pas de fond et (…) nous pouvons tous y battre des records de profondeur sans jamais épuiser les possibilités de cette intéressante institution… » En poursuivant la publication des entretiens enregistrés au moment de la préparation de Shoah, Claude LANZMANN, né en novembre 1925 et sans cesse au travail, confirme cette réflexion de Romain GARY et prouve que, quoi que nous sachions sur la destruction des Juifs d’Europe, et particulièrement grâce à lui, nous apprendrons toujours davantage sur l’infini de la souffrance advenue. Dans Les quatre sœurs, il donne à entendre les témoignages de survivantes ayant échappé aux massacres de Pologne, de Hongrie, de Tchécoslovaquie. Elles se demandent encore, dans le dernier quart du vingtième siècle, par quel calcul incompréhensible du hasard elles sont encore en vie quand des millions d’autres ont péri, leurs parents, leurs frères et sœurs, leurs enfants, leurs amis, leurs voisins. Elles témoignent d’une manière extrêmement précise d’événements exceptionnels survenus au milieu même du chaos, le sauvetage de quelques centaines de Juifs de Hongrie, les poupées volées aux enfants condamnés et remises à neuf pour les rejetons des SS en permission, l’inhumanité de Mengele, la « police juive » du ghetto de Lodz. Quelle morale authentique, quelle pensée de la condition humaine, peuvent se passer des films de Claude LANZMANN ? De la rigueur, de la persévérance, de l’exactitude de l’œuvre de Claude LANZMANN ?
Critique de René MARX
Film documentaire français de Claude LANZMANN (2018), avec Paula BIREN, Ruth ELIAS, Ada LICHTMAN, Hanna MARTON. 4h34.