Le temps n’est plus où Pedro Almodovar était la coqueluche de la critique, quand chaque film semblait plus fiévreux que le précédent, emportant la raison et les sens dans un tourbillon fiévreux de passions. Son opus précédent, Les Amants passagers, il y a trois ans, avait pour le moins déçu. La question était donc de savoir si le cinéaste madrilène allait de nouveau emprunter les chemins de l’anodin ou revenir à ses anciennes amours. En fait ni l’un ni l’autre. Parce que Julieta est de toute évidence l’un des plus beaux films d’Almodovar, qui le replace sur le devant de la scène et en fait un candidat sérieux à la Palme. Mais c’est néanmoins un film qui tranche avec les turbulences baroque et les provocations d’antan. La structure même du récit, si elle emprunte très largement au plaisir du flash-back, n’est pas le moins du monde organisée pour nous perdre, nous surprendre, nous secouer. Nous nous contentons de suivre très sagement les souvenirs douloureux d’une femme à qui la vie n’a pas fait de cadeau. Après avoir perdu l’homme qu’elle aimait dans une tempête, elle a dû se résoudre à ce que sa fille, une fois majeure, décide de couper les ponts à jamais. Almodovar jour clairement la carte du mélo, avec de belles envolées musicales à la clé pour donner du relief à nos émotions, mais il ne cherche pas à jouer au plus malin et à instiller du second degré. C’est tout simplement un superbe portrait de femme qui nous est proposé, avec sa part de mystère et de fascination. Les femmes n’ont jamais cessé d’être le sujet central des films d’Almodovar. Elles n’ont jamais cessé d’être au bord de la crise de nerfs. Mais elles ne nous ont jamais autant touché qu’aujourdhui.
Yves ALION
Film espagnol de Pedro ALMODOVAR (2016), avec Emma SUÁREZ, Adriana UGARTE, Daniel GRAO. 1h 39.