La mort de FRANCO, en 1975 n’a pas permis à l’Espagne, malgré le retour de la démocratie, de chercher le chemin de la justice. L’idée était répandue depuis longtemps dans une partie de l’opinion espagnole selon laquelle la guerre civile devait être rejetée dans le passé, en sous-entendant que les deux camps avaient commis des crimes, que l’avenir appartiendrait aux amnésiques. Cette idée fait l’impasse sur le coup de force illégal des fascistes de FRANCO. Et surtout elle aboutit à un raisonnement monstrueux : les crimes innombrables commis entre la défaite de la République en 1939 et la mort du dictateur devaient aussi être oubliés pour aller de l’avant. La lutte de dizaines de victimes et d’enfants de victimes contre l’impunité des criminels est documentée dans ce film. Six ans de tournage en Espagne et en Argentine (où la juge Maria SERVINI s’est saisie du dossier), 450 heures de rushes, 14 mois de montage, pour un documentaire extraordinaire. Un film émouvant sans doute, bouleversant même, mais surtout d’une rigueur intellectuelle et historique impeccable. La raison, la précision des faits, au service du droit universel. Les enfants et les petits-enfants des assassinés de la guerre civile, désireux de sortir leurs martyrs des fosses communes, les victimes des tortures qui ont perduré jusqu’en 1975, tous sont filmés sur le temps long, suivis dans leur lutte de Sisyphe. S’ajoute à cela dès 2010 l’effrayant scandale de milliers de bébés volés à leur mère, question toujours irrésolue à ce jour, après l’acquittement pour prescription des faits du docteur Eduardo VELA. Pedro et Agustín ALMODÓVAR ont commis une bonne action en produisant ce film indispensable.
Critique de René MARX
El silencio de otros. Film documentaire américano-espagnol d’Almudena CARRACEDO et Robert BAHAR (2018). 1h35.