À 44 ans, Asghar Farhadi a réalisé sept films et connu des succès internationaux sans précédent dans l’histoire du cinéma iranien. En 2010, Une séparation avait eu un Ours d’or à Berlin, un Oscar, un César et plus d’un million de Français avaient partagé le jugement d’une critique quasi unanime. Après Le Passé, tourné en France en 2013, et avant un film espagnol coproduit par Almodovar, il revient en Iran pour Le Client. Deux comédiens interprètent au théâtre La Mort d’un commis-voyageur d’Arthur Miller. Couple sur scène et dans la vie, ils vont, à cause d’une agression, rencontrer les questions morales qui hantent le cinéma de Farhadi. A-t-on le droit de punir ? Qui détient ce droit ? Qui est coupable ? Comment pardonner ? Que faire quand le visage du criminel n’est pas celui d’un monstre, mais celui d’un être humain ? Prix du scénario et du meilleur acteur (pour Shahab Hosseini) à Cannes, le film, passionnant, laisse pour une fois un peu trop apparente sa fabrication. Notamment dans l’articulation entre la scène et le monde. La grandeur d’Une séparation résidait dans l’articulation entre complexité et limpidité du récit. Ici, on ne sait pas toujours bien en quoi Miller peut éclairer l’Iran d’aujourd’hui. Il faut lire les interviews de Farhadi pour apercevoir cet aspect, le film devrait l’éclaircir davantage. Mais comme à son habitude, le cinéaste pose ses questions avec une rectitude qui n’est pas seulement philosophique. Croisant la question morale avec celle du rapport de couple, il nous rappelle que le théâtre est sa première maison, qu’il l’a étudié dès sa jeunesse et jamais confondu avec l’art du cinéma. Tout son propos est porté par une narration presque sans faille, par un sens de l’écriture cinématographique qui ne peut qu’emporter le spectateur.
Critique de René MARX
Forushande. Film franco-iranien d’Asghar FARHADI (2016), avec Shahab HOSSEINI, Taraneh ALIDOOSTI, Babak KARIM, Farid SAJJADI. 1h43