Un homme dans la force de l’âge quitte son épouse pour recommencer sa vie et ouvrir un restaurant. Parmi son personnel : des migrants en situation précaire. Certains cinéastes auraient traité ce sujet sur un mode naturaliste voire sous une forme documentaire. Aki Kaurismäki préfère la poésie et l’humour. Ce qui ne veut pas dire pour autant que ce disciple pince-sans-rire de Sempé n’entretienne pas une compassion profonde avec ses protagonistes. Bien au contraire. Il n’a aucun besoin d’une logorrhée verbale pour s’exprimer. Le réalisateur finlandais est un miniaturiste qui excelle dans l’art de la métonymie et dépeint une société toute entière à travers quelques personnages. Comme son titre l’indique, L’Autre Côté de l’espoir est à la fois l’envers et le reflet de son opus précédent, Le Havre (2011), dont le récit tournait déjà autour du sort d’un immigré clandestin. Six ans plus tard, ce problème est devenu une question de société majeure pour l’Europe toute entière. Kaurismäki l’aborde avec sa finesse et son ironie coutumières, sur le registre d’une comédie de caractères qui cite les grands burlesques, de Charlie Chaplin, pour le rituel du restaurant réglé comme un ballet, à Jacques Tati pour ses décors stylisés et son harmonie géométrique. Il émane de ces personnages une empathie poignante, sans que s’agitent jamais les ficelles du mélodrame. La misère est autant ici une condition sociale qu’une philosophie existentielle qui permet aux damnés de la terre de survivre dignement.
Critique de Jean-Philippe GUERAND
Toivon tuolla puolen. Film finlandais d’Aki KAURISMÄKI (2017), avec Sakari KUOSMANEN, Sherwan HAJI, Nuppu KOIVU. 1h 38.