Chez Philippe GARREL, le grand écart fait figure de dogme artistique. Chantre d’un cinéma résolument underground, il a trouvé un nouvel élan en explorant les méandres de l’âme humaine, au point de devenir le chantre du nouveau paysage sentimental. De même, sa gestion de la durée l’a vu passer de chroniques assez longues à une concision qui trouve une sorte d’aboutissement avec L’Amant d’un jour. Comme si la sagesse incitait aujourd’hui le cinéaste à aller droit à l’essentiel et à renouer avec les premières œuvres de la Nouvelle vague dont il s’imposa à la fin des années 60 comme une sorte de fils indigne. Il s’attache cette fois dans un noir et blanc épuré au trio formé par un prof de fac dont le refus de vieillir s’exprime par sa liaison avec l’une de ses étudiantes et les relations compliquées qu’il entretient avec sa propre fille, sans avoir pris le temps de la voir devenir femme. De même qu’il passe à côté de la complicité qui s’instaure entre elles, l’une venant de rompre et contaminant l’autre dans une sorte de pas de deux désabusé qui évite à GARREL d’avoir à les juger. Le cinéaste exploite brillamment l’indolence d’Éric CARAVACA, face à deux partenaires que tout semble opposer : sa propre fille, Esther, excessive dans le désespoir comme l’hystérie, et Louise CHEVILLOTTE, une nouvelle venue qui impressionne par sa capacité à investir le cadre et à s’imposer par une force tranquille faussement rassurante. C’est tout l’art de GARREL d’exploiter les contrastes de ce trio.
Critique de Jean-Philippe GUERAND
Film français de François GARREL (2017), avec Esther GARREL, Éric CARAVACA, Louise CHEVILLOTTE. 1h16.