On connaissait les Teen Movies, ces films baignés d’un humour potache à brève durée de péremption. Avec Everybody Wants Some, le réalisateur de Boyhood livre un nouveau film concept comme il en a le secret. Il remonte au début des années de fac et aux années 80 pour se concentrer sur le compte à rebours qui précède l’intronisation existentielle des nouveaux étudiants et leurs nuits debout pour reprendre une expression à la mode. Recruté pour leurs qualités sportives davantage que pour leurs performances intellectuelles, ces jeunes éphèbes lâchés pour la première fois dans le grand bain universitaire et coupés de leur base se soumettent à un authentique rite initiatique bercé de nuits blanches, de fêtes païennes et d’entraînements. À travers leurs conversations et leurs excès affleurent toutefois la profonde incertitude de ces chiens fous face à l’avenir. Non seulement la reconstitution est particulièrement soignée, mais Linklater puise parmi ce que le rock et le disco ont produit de meilleur à l’époque et même bien avant. Quant à ses interprètes, c’est majoritairement dans des séries télé qu’il les a recrutés. La réussite de cette chronique circonscrite le temps d’un week-end faussement insouciant réside dans sa subtilité psychologique. Derrière la chronique d’apprentissage, ce sont les affres du passage à l’âge adulte qui confèrent une profondeur particulière à ce beau film d’auteur qui embarrasse son distributeur au point de ne pas lui donner de titre français. Comme pour mieux l’enterrer.
Jean-Philippe GUERAND
Film américain de Richard LINKLATER (2016), avec Blake JENNER, Glen POWELL, Tyler HOECHLIN. 1h 57.