Le jour où il apprend le décès de son épouse partie se faire soigner en ville, un père de famille qui a passé une décennie dans une forêt avec ses enfants, à l’écart de la société dont il refuse le mode de fonctionnement, décide de se rendre à ses obsèques en famille. Pour la plupart de ses six enfants, il s’agit de leur premier contact avec ce monde menaçant dont leurs parents les ont toujours protégés. Le postulat est radical. Il témoigne d’un idéalisme pétri de naïveté et d’innocence qui prend une signification très particulière au moment même où l’Amérique se trouve à la croisée des chemins. De cette aventure humaine qui épouse les formes d’un Road Movie joyeux, Matt Ross tire une sorte de fable moderne qui ne succombe jamais à la tentation du manichéisme, mais souligne comment son immersion progressive dans le monde extérieur provoque l’implosion de ce microcosme autarcique. Il dresse également le portrait d’un homme arc-bouté sur ses convictions que campe magistralement Viggo Mortensen, confronté à la rébellion de ces enfants et de ces adolescents qui ressentent un besoin irrépressible de se révolter pour devenir des hommes et des femmes (presque) comme les autres. En cela, Captain Fantastic est un formidable film d’apprentissage qui esquisse les contours d’un autre monde possible, mais guère compatible avec le cynisme de la société américaine. C’est aussi une aventure cinématographique enthousiasmante qui nous permet de rêver deux heures durant à une alternative pétrie de bonnes intentions. Une aubaine inestimable, aussi éphémère soit-elle, pour un film couronné à Sundance et à Cannes.
Jean-Philippe GUERAND
Film américain de Matt ROSS (2016), avec Viggo MORTENSEN, Frank LANGELLA, George MACKAY. 2h.