37 ans cette année, élève de Kiyoshi Kurosawa, admirateur d’Éric Rohmer, Fukada invente avec son troisième long métrage une forme très intéressante, le film d’horreur au ralenti. On pense avoir affaire à une chronique familiale, à la description des occupations quotidiennes, professionnelles, sentimentales d’un couple et de leur fillette. Ce début est prenant, délicat. C’est déjà la proposition d’un cinéaste remarquable. L’arrivée assez classique d’un intrus surgi du passé ne paraît pas très inquiétante. Mais un coin s’enfonce dans l’équilibre de départ. L' »ami qui vous veut du bien » transforme la vie des personnages en catastrophe lente. La maîtrise du rythme du récit magnifie un spectacle cinématographique tout à fait inhabituel. Plus on avance, plus l’harmonium du titre, un instrument réellement présent dans la vie de cette famille, devient l’emblème ironique d’une destruction : celle de l’harmonie familiale. On ne sort presque jamais du cadre intime et Tadanobu Asano, qu’on reverra bientôt dans le Silence de Scorsese, ne s’éloigne pas tant que cela du rôle de fantôme qu’il tenait dans le très beau Vers l’autre rive de Kurosawa. Comme dans beaucoup de grands films japonais, c’est de la transgression des règles qu’il s’agit, du renversement des bonnes manières auxquelles chacun est censé se soumettre. La famille idéalisée est écrasée par les péripéties inventées par le destin. Le monstre du film est poli, réservé, doux. Il n’est peut-être pas le seul de son espèce.
Critique de René MARX
Fuchi ni tatsu. Film japonais de Kôji FUKADA (2016), avec Tadanobu ASANO, Mariko TSUTSUI, Kanji FURUTACHI. 1h 58.