06 septembre 2016

Eternité de Tran Anh HUNG

 

Après avoir porté à l’écran un roman éminemment complexe de l’écrivain japonais Haruki Murakami (La Ballade de l’impossible, 2010), le réalisateur de L’Odeur de la papaye verte s’inspire cette fois de L’Elégance des veuves, d’Alice Ferney dont il s’approprie le récit pour en tirer un moment d’exception. Éternité a l’ambition de raconter rien moins que l’histoire d’une famille française pendant un siècle. On y voit des femmes amoureuses devenir des mères rassurantes, des épouses discrètes voire des veuves résignées. Des personnages contraints de porter le poids du monde et d’accompagner sa marche inéluctable. Bref, des individus écrasés par l’insoutenable force de vie de l’humanité dont la destinée est noyée dans la masse. C’est à une authentique réflexion existentielle que nous convie ce film choral. La puissance du cinéma de Tran Anh Hung réside dans son économie de mots et sa sensualité. De prime abord, Éternité ressemble à un mélodrame  bourgeois raffiné dans lequel les cycles se suivent et se ressemblent. En prenant un tout petit peu plus de recul, affleure une tragédie universelle qui nie l’individu et le condamne inéluctablement à l’oubli. Dès lors, la force de son destin apparaît dérisoire par rapport à la nécessité de transmettre un legs aux générations futures. En effleurant les visages et les corps, la caméra parvient à dire l’indicible et à traduire ce vertige intemporel. C’est même ce qui confère à cette expérience cinématographique intense son caractère exceptionnel.

Jean-Philippe GUERAND

Film français de Tran Anh HUNG (2016), avec Audrey TAUTOU, Bérénice BEJO, Mélanie LAURENT. 1h59.


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