Le cannibalisme (avec le vampirisme) a été l’un des thèmes dominants cette année à Cannes. Nicolas Winding Refn en propose avec ce film la version sans doute la plus cruelle et la plus subversive, en la plaçant dans le monde et dans le concept philosophique de la beauté. Moins un film classiquement narratif, The Neon Demon est davantage une étrange œuvre conceptuelle située dans le milieu de la mode et des mannequins, pour laquelle NWR (comme il signe ironiquement, en rappel des « griffes » des marques) convoque aussi bien les fantômes de David Lynch que ceux de Mario Bava. Dans ce monde où tout tourne autour du fantasme de la beauté, peuplé par des femmes mutantes entièrement remodelées, arrive soudain de sa province profonde une très jeune femme qui, elle, possède naturellement cette mystérieuse et fabuleuse beauté idéale. Son ascension est alors fulgurante, mais elle déchaîne du coup la fureur de celles qui ne rêvent précisément que de lui dérober et d’ingérer – au sens propre – ce don.inestimable… Refn compose pour ce conte cruel des images d’une beauté plastique fabuleuse, en en accentuant l’artificialité et l’irréalisme jusqu’à un point limite, autant de tableaux qui évoquent aussi bien la photographie de mode que des toiles surréalistes, avec l’apparition extraordinaire d’un œil humain dans une des scènes les plus délirantes du film.
Laurent AKNIN
Film américain de Nicolas WINDING REFN (2016) avec Elle FANNING, Karl GUSMAN, Christina HENDRICKS, Keanu REEVES. 1h 57.