Du passé proche à un futur à peine éloigné, la vie et les regrets d’un homme, de sa jeunesse à sa mort violente… Voilà un ambitieux sujet, pour ce second long métrage chinois, qui abandonne une bonne partie des signes du cinéma d’auteur festivalier de son pays, afin d’embrasser un mélange des genres assez inédit, entre polar, science-fiction et mélodrame social. Le polar pour ce trajet d’un policier qui passe d’officier prometteur à assassin à la fin du récit, la science-fiction pour cette description assez prenante d’une société futuriste encore plus dévorée par la technologie, le mélo pour ce trajet d’un type qui, lorsqu’il découvre sa femme avec son supérieur, plonge dans le purgatoire toute sa vie. La virtuosité narrative dans la description de chaque période est impressionnante, et le choix de travailler dans une chronologie inversée apporte une violence, voire une forme de sécheresse, évitant l’émotion facile pour se concentrer sur la mécanique de la tragédie, d’un destin créé et gâché par seulement quelques moments épars. Un procédé néanmoins un peu coutumier depuis des films comme Irréversible. Et de fait, malgré ces évidentes qualités formelles et le courage de son principe narratif, la chair manque un peu. Les personnages sont trop souvent réduits à leur fonction (le salaud, la victime, la maîtresse ou la femme volage). Quelque chose d’important, le mystère d’une vie, de ses choix, reste absent du long métrage, alors qu’il en constitue le projet même.
Critique de Pierre-Simon GUTMAN
Xing Fu Cheng Shi. Film chinois de Wi-ding HO (2019), avec Jack KAO, Lee HONG-CHI, Louise GRINBERG. 1h47.