Avec The Sleeping Giant, la cinéaste Clio BARNARD avait tenté de s’attaquer à cet épineux problème du cinéma anglais : comment renouveler la tradition réaliste, héritée du free cinema, tout en respectant ses acquis, son héritage ? La réponse, tenant à un mélange entre une approche digne de Ken LOACH et le surgissement du conte, remporta assez de succès pour faire de l’auteure la dernière sauveuse en date de l’industrie anglaise. Avec Dark River, elle dépasse la représentation, somme toute un peu balisée, de l’enfance, pour aborder un drame familial plus cru et frontal, sur un frère et une sœur face à eux-mêmes, à la mort de leur père et la vente éventuelle de la ferme. Le croisement entre le fantôme omniprésent de ce père mort et des considérations ultra concrètes et terre à terre apparaît définitivement comme la patte de la réalisatrice. Mais, étrangement, c’est bien dans l’aspect le plus réaliste et didactique que le film offre le plus, informant avec clarté d’une réalité administrative et financière peu connue. Dès que le romanesque est abordé, Barnard ne peut s’empêcher de tomber dans des schémas, aussi bien formels que narratifs, plus prévisibles. Le grand chamboulement du cinéma anglais n’est donc pas encore là.
Critique de Pierre-Simon GUTMAN
Film anglais de Clio BARNARD (2018), avec Ruth WILSON, Mark STANLEY, Sean BEAN. 1h 39.