C’est déjà auréolé de plusieurs prix prestigieux (prix FIPRESCI à Münich, meilleur premier long métrage à Locarno, Grand Prix à Angers) que nous arrive le très maîtrisé film de fin d’études de la réalisatrice allemande Eva TROBISCH. Un peu programmatique, le titre prévient d’emblée que quelque chose va se passer, et que cela laissera sur le destin des personnages une trace indélébile. Effectivement, la vie de l’héroïne Janne bascule lorsqu’un ancien camarade de promotion la viole à l’issue d’une soirée pourtant joyeuse. Refusant catégoriquement de se penser comme une victime, la jeune femme décide d’aller de l’avant, et de faire « comme si de rien n’était ». Elle s’enferme alors dans un déni destructeur qui fait peu à peu voler sa vie en éclats.
Certes, le scénario n’échappe pas à quelques facilités d’écriture (surtout des « coïncidences » un peu trop commodes), mais on est bluffé par l’énergie d’une mise en scène dans laquelle la caméra est sans cesse au plus près des corps et des visages, comme pour en absorber la multiplicité de nuances et de détails. On est avec Janne, presque à sa place, aux prises avec un cauchemar éveillé qui se déroule dans une ambiance paradoxalement policée. Son violeur vient s’excuser, elle-même prétend que tout va bien, tout se règle entre gens bien élevés.
Se croyant contrainte à une forme de perfection qui va jusqu’à la négation de la réalité, Janne est alors prise de dissonance cognitive, conseillant aux autres (et notamment à son patron) de faire ce qu’elle-même refuse : protester, dénoncer, se battre pour son intégrité. Plus elle lutte contre ses propres émotions, plus elle s’enferre dans une posture intenable qui la conduit à une froide et abrupte implosion finale dont la sécheresse narrative est d’une redoutable efficacité.
Critique de Marie-Pauline MOLLARET
Alles ist gut. Film allemand d’Eva TROBISCH (2018) avec Aenne SCHWARZ, Andreas DÖHLER, Hans LÖW. 1h30