Dans une bourgade perdue du Montana, quelques événements a priori anodins se télescopent pour dessiner le portrait d’une communauté repliée sur elle-même où le fait même d’être une femme constitue un défi. Adepte d’un certain minimalisme, Kelly Reichardt s’attache aux êtres humains en tant que tels et esquisse ici un portrait de groupe avec dames d’une infinie pudeur dans un décor qui aurait pu servir de cadre à un western. L’Amérique qu’elle dépeint semble pétrifiée comme la cité de Pompéi après l’éruption du Vésuve. Les enjeux individuels conditionnés par le quotidien expriment une impression intemporelle qui évoque la tonalité des nouvelles de Raymond Carver. À travers quelques personnages féminins confrontés à un environnement où le moindre incident devient un événement, Certaines femmes montre une facette de l’Amérique à laquelle le cinéma traditionnel a cessé de s’intéresser depuis longtemps, comme si ses problèmes n’étaient plus susceptibles d’émouvoir quiconque. À ceci près que Kelly Reichardt œuvre dans le social et que lorsqu’elle souligne l’absurdité pour une jeune juriste de donner des cours à des adultes deux fois par semaine à quatre heures de route de chez elle, l’enjeu individuel submerge le collectif. Certaines femmes n’entend pas asséner des certitudes, mais dessiner une passionnante mosaïque humaine qui met en évidence les difficultés du quotidien à travers des enjeux moins dérisoires qu’il ne pourrait y paraître de prime abord en accordant l’infime avec l’intime.
Critique de Jean-Philippe GUERAND
Certain Women. Film américain de Kelly REICHARDT (2016), avec Michelle WILLIAMS, Kristen STEWART, Laura DERN. 1h 47.