Pusher l’ayant transformé en star mondiale, Nicolas Winding Refn se livre immédiatement à un étrange exercice qu’il ne reproduira plus : un récit plus ou moins autobiographique. Pour la première et seule fois de sa carrière, le cinéaste investit son double d’alors, Mikkelsen, lui transmet son look, ses attributs et son premier métier, pour son seul long métrage où transparaît un peu de son univers personnel. Soit un loueur de vidéos organisant des soirées « films de genre », où se rend un ami à lui qui, suite à des tournants imprévus de sa vie, sombre dans la violence que tous pensaient réservés à l’écran. Sous bien des aspects, et la présentation du film est à cet égard clair, Bleeder semble être le Mean Streets de Refn, celui où il met à nu les expériences et le monde qui l’a vu grandir. De ce point de vue, l’aspect le plus important de l’œuvre n’est pas le portrait du geek artiste et sauvé par l’amour que le metteur en scène fait de lui-même, mais le thème plus profond de la violence, ou plus précisément de la fascination pour celle-ci. Car c’est bien là le cœur de Bleeder, et peut-être du cinéma de Refn : la façon que tous les personnages ont d’être happés par ces images sombres, crues (Massacre à la tronçonneuse est le film préféré de Refn) jusqu’à ce que certains se retrouvent envahis par elles. Une séparation entre l’écran et l’intime que Refn semble avoir trouvé et respecté, mais qu’il reconnaît comme ténue et imprévisible, capable d’engloutir des êtres qui en parviennent pas à la transformer en art.
Critique de Pierre-Simon GUTMAN
Film danois de Nicolas WINDING REFN (1999), avec Madds MIKKELSEN, Kim BODNIA, Zlatko BURIC. 1h 38.
https://www.youtube.com/watch?v=HCnWW96FGnA