Chacun sa guerre. Tel semble être le mot d’ordre de cet opus nommé cette année à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Scénariste de La Chasse, de Thomas Vinterberg (2012), son réalisateur s’est déjà fait remarquer par le passé avec R (2010) et Hijacking (2012). Tobias Lindholm s’y attache au destin d’un commandant du contingent danois en Afghanistan jugé en cour martiale pour une attaque dont ont été victimes ses hommes et des conséquences de sa décision sur sa vie personnelle. Difficile de ne pas reconnaître dans ce film sobre et dépouillé un cousinage avec le documentaire Armadillo (2010) de Janus Metz Pedersen. A War aspire à un réalisme exempt de fioritures qui montre l’homme en proie à une situation qui le dépasse. La personnalité du comédien Pilou Asbaek est pour beaucoup dans la force d’évocation de ce film dépouillé, aux antipodes des conventions hollywoodiennes, qui aspire à nous emprisonner dans sa toile narrative, sans manipulation ni sentimentalisme. Qu’importe le front sur lequel combattent ces hommes. Ils remplissent une mission qu’on leur a assignée et représentent une armée aussi organisée que leur ennemi est invisible et imprévisible. Contraste entre ce front où tout est confus, cette cour de justice aux allures de show-room pour fabricant de mobilier scandinave et cet intérieur immaculé. Comme pour nous signifier combien la guerre est sale et que le contraste est saisissant avec cet “arrière” lointain où la barbarie paraît si lointaine et si abstraite.
Jean-Philippe GUERAND
Krigen. Film danois de Tobias LINDHOLM (2015), avec Pilou ASBAEK, Tuva NOVOTNY, Soren MALLING. 1h 54.