Depuis quarante ans, Amos GITAÏ, fils de pionniers et soldat pendant la guerre du Kippour, interroge les destinées d’Israël, en innovant constamment dans ses interrogations autour du langage cinématographique. Ses positions politiques sont assez tranchées pour provoquer polémiques et reproches passionnés dans la société israélienne et à l’étranger. Mais l’œuvre est là, imposante, construite, rigoureuse. Qu’il touche à la fiction ou au documentaire, l’auteur, le cinéaste, est incontournable. Sa formation d’architecte nourrit son travail formel. A l’Ouest du Jourdain est une enquête dans les territoires occupés, auprès de colons, de Palestiniens, de journalistes et d’ONG, qui tente de dénouer l’inextricable confusion qui règne dans les territoires occupés depuis maintenant cinquante ans. GITAÏ est profondément opposé au gouvernement Netanyahou et il intègre à son enquête contemporaine les images d’Yitzhak RABIN qu’il a lui-même filmées peu avant l’assassinat de 1995. Cet entretien avec le premier ministre victime de sa volonté de paix illustre le gâchis actuel et répond à distance aux gouvernants d’aujourd’hui. Les ONG sont celles de soldats traumatisés par leur expérience des territoires, celles de Bédouins protégeant leurs écoles précaires, celles de mères israéliennes et palestiniennes réunies dans le deuil de leurs enfants tués par cette guerre interminable. GITAÏ est partisan, honnête, acharné dans sa recherche d’explications. Il montre la violence et l’obstination de ceux qui s’y opposent. Il s’entretient avec un garçon de dix ans qui rêve de mourir en martyr (une séquence stupéfiante), avec des hommes et des femmes fatigués de leurs épreuves. Il n’hésite pas à se montrer lui-même à l’écran. Où s’arrêtera cette si longue histoire ?
Critique de René MARX
Film documentaire franco-israélien d’Amos GITAÏ (2017). 1h24.