Reporter photographe depuis 1960, Raymond DEPARDON a rapidement élargi sa palette en troquant régulièrement son appareil photo pour une caméra. Documentariste insatiable, héritier d’un certain cinéma direct, il parcourt le monde en tous sens pour au final en retenir l’essentiel : l’humain. Dont la fragilité n’a jamais cessé de l’interpeler. C’est ainsi qu’il s’est très tôt passionné pour deux institutions où l’homme chancelle : l’hôpital psychiatrique (San Clemente, Urgences) et l’appareil judiciaire (Faits divers, Délits flagrants, Dixième Chambre). 12 Jours est au cœur de son œuvre, qui croise les deux mondes. Douze jours, c’est en effet la durée pendant laquelle un patient peut rester hospitalisé sans son consentement dans un hôpital psychiatrique. Au-delà, et ce depuis une loi de 2013, un magistrat doit statuer sur son cas, alors qu’auparavant seul un psychiatre était décisionnaire. DEPARDON, selon son habitude, ne fait aucun commentaire, il se contente de filmer de la façon la plus brute possible, les protagonistes de son histoire. Soit dix patients de tous âges, de toutes conditions sociales, aux parcours différents, et quatre juges auxquels ils sont confrontés. Le cinéaste a placé trois caméras fixes, pour filmer les patients et les juges séparément et ensemble. Une façon de souligner son désir d’objectivité. Ce qui fait que nous sommes confrontés à notre propre jugement sur les échanges entre les protagonistes et à notre propre appréhension des désordres mentaux des intéressés. Cela demande sans doute une attention, une ouverture que tous les films ne réclament pas. Mais nous sommes indéniablement touchés. D’autant que le phénomène n’est pas marginal (et cela le film ne le dit pas, se gardant bien de constituer un dossier) : on annonce 92 000 internements psychiatriques sans consentement chaque année en France…
Critique d’Yves ALION
Film documentaire français de Raymond DEPARDON (2017). 1h 27.