Ceux qui ont vu en 2013 le précédent film de Rosi, Sacro Gra, qui reçut cette année-là le Lion d’Or à Venise, savaient déjà qu’il est un grand cinéaste. Ce nouveau documentaire (Rosi ne tourne que cela) a reçu l’Ours d’Or à Berlin cette année. Cette collection de distinctions internationales est sans doute la reconnaissance d’un talent que d’autres documentaristes n’ont pas toujours, même parmi les plus grands : dans sa quête de la vérité, Rosi n’abandonne jamais le regard du poète. Comme son compatriote Pietro Marcello, une fois qu’il a choisi la part du réel à représenter, il se laisse porter par les rencontres, les hasards et ne construit son film que sur le long terme. Lampedusa est devenu le cœur battant et souffrant de la Méditerranée, mais les journalistes ne s’y arrêtent que quelques jours. Lui y a passé plusieurs mois, d’abord sans caméra, pour rencontrer ses habitants. Il finit par raconter avec la même attention les vies quotidiennes d’un jeune garçon né sur l’ile, d’un DJ de la radio locale, d’un médecin au service des migrants qui arrivent et enfin de ces centaines de naufragés qui obsèdent l’Europe. Filmant seul, sans équipe technique, Rosi regarde en face jusqu’aux cadavres prostrés dans les cales des épaves échouées. La seule réserve qu’on peut émettre sur ce grand film est qu’il n’explique pas toujours ce qu’il montre. C’est en lisant les entretiens avec le cinéaste que s’éclairent certains mystères du film. Ce choix peut être discuté mais les images de Rosi, elles, sont indiscutables.
René MARX
Film italien de Gianfranco ROSI (2016), avec Samuele PUCILLO, Mattias CUCINA, Samuele CARUANA, Pietro BARTOLI. 1h49