Thierry KLIFA s’intéresse au théâtre autant qu’au cinéma, ce qui explique en partie le délai souvent long entre deux films : Les Yeux de sa mère, son opus précédent datait de 2011. Tout nous sépare ne va pas dépayser ceux qui s’intéressent au travail de cet ancien critique qui sert dorénavant le cinéma par d’autres moyens. Le réalisateur est en effet tout à la fois fasciné par les femmes, par leur force, et par les traumatismes familiaux qui fleurissent dans ses films comme les jonquilles aux premiers soleils. Mais Tout nous sépare va plus loin que d’habitude dans la description très noire d’un monde un rien asphyxiant, les codes du genre étant assumés avec beaucoup de respect. Mais si notre homme est cinéphile, s’il connaît parfaitement les règles du jeu, il n’en plonge pas moins ses personnages dans une réalité sociale d’aujourd’hui, même si les conflits générationnels sont intemporels. C’est sur la côte languedocienne que le film a fait son nid, permettant de mettre en regard la lumière naturelle du lieu et la noirceur de ce qui s’y trame. Au départ un couple contre-nature (sur le plan sociologique) entre un voyou des bas-quartiers et une jeune femme de bonne famille que son handicap conduit parfois à faire n’importe quoi. A l’arrivée, la confrontation est davantage entre le pote du premier et la mère de la seconde. Une confrontation brutale mais qui ne manque pas de chair et même de sentiments. Les deux personnages sont incarnés par Nekfeu, star du rap, qui fait ici ses débuts (concluants) à l’écran, et Catherine Deneuve, qui trouve pour l’occasion son meilleur rôle depuis longtemps. La comédienne, qui n’a évidemment plus rien à prouver depuis des lustres, se jette dans le film comme on se jette à l’eau et semble se livrer comme rarement elle l’avait fait. S’il n’y avait qu’une seule raison (mais il y en a d’autres) de voir ce film, ce serait elle…
Critique d’Yves ALION
Film français de Thierry KLIFA (2017), avec Catherine DENEUVE, Diane KRUGER, Nekfeu. 1h 38.