Après le triomphe stratosphérique d’Intouchables, Éric TOLEDANO et Olivier NAKACHE avaient un peu viré de bord avec Samba, prenant politiquement position (sans rien perdre de leur bonne humeur et de leur capacité à mêler le rire et l’émotion) sur le sort que la République réserve aux sans-papiers. Le Sens de la fête apparaîtra à cet égard comme plus consensuel, moins dérangeant… Ce qui ne veut pas dire que derrière la légèreté première de ce film-champagne ne soient pas décochées en douce quelques flèches assassines sur la façon dont s’organise la société. Car la fête en question, en l’occurrence un mariage, est un microcosme idéal pour mettre en scène tous les antagonismes possibles, tous les hiatus sociaux et toute l’hypocrisie du monde. Mais TOLEDANO et NAKACHE ne s’appesantissent jamais et ne cultivent le malaise que pour mieux nous rassurer dans la scène qui suit. Il faut dire que le film, qui, on l’aura compris, répond aux impératifs du théâtre classique, unité de temps et de lieu, est tricoté avec un soin maniaque. Tous les personnages existent, tous évoluent au fur et à mesure que la mécanique trop bien huilée de ce mariage mondain se dérègle. Il n’est pas interdit de penser à La Partie, de Blake EDWARDS, dont la magie n’opère que par le savoir-faire de son réalisateur (alors que l’intrigue tient sur une feuille de papier à cigarette). Avec sans doute moins de folie burlesque, mais également davantage d’humanité dans la description des personnages. Le film dure près de deux heures, et pourtant c’est vraiment à regret que nous quittons la fête…
Critique d’Yves ALION
Film français d’Éric TOLEDANO et Olivier NAKACHE (2017), avec Jean-Pierre BACRI, Jean-Paul ROUVE, Gilles LELLOUCHE. 1h 57.