Il faudra bien un jour se pencher sur le mystère entourant le cinéma portugais qui ne semble produire que des films d’auteur. Saint-Georges se présente de prime abord comme un polar traditionnel pourvu d’un solide ancrage social. Son réalisateur prend cependant ses distances avec le genre en affirmant de solides partis pris de mise en scène qui ne sont pas sans évoquer le John CASSAVETES de Meurtre d’un bookmaker chinois (1976) par sa propension délibérée à filmer ses personnages sur le vif et à dépeindre de l’extérieur la fièvre qui les habite. À l’instar de son personnage principal, ce boxeur déchu qui tente de recoller les morceaux de sa vie en acceptant d’exécuter les basses besognes d’une société de recouvrement qui prospère sur la situation chaotique d’un Portugal en faillite. À travers le destin de cet homme contraint de franchir la frontière poreuse qui sépare le Bien du Mal, Marco MARTINS dépeint une société malade où la misère engendre à peu près tous les vices et corrompt les plus faibles. Cette chronique baignée par une atmosphère nocturne et une image granuleuse nous renvoie à l’époque de la pellicule par son imperfection étudiée. Elle nous révèle surtout un réalisateur capable d’observer le monde qui l’entoure pour l’inscrire dans une tradition cinématographique qui va des films noirs de Jules DASSIN aux œuvres contemporaines de Jacques AUDIARD et plus particulièrement à De battre mon cœur s’est arrêté (2005) avec lequel Saint-Georges nourrit d’évidente connivences.
Critique de Jean-Philippe GUERAND
São Jorge. Film portugais de Marco MARTINS (2016), avec Nuno LOPES, Mariana NUNES, David SEMEDO. 1h 52.