Les meilleurs documentaristes sont ceux qui prennent leurs sujets à bras-le-corps, quitte à se donner du temps (Frederick WISEMAN), à s’effacer (Gianfranco ROSI), à adapter leur dispositif aux circonstances (Raymond DEPARDON) ou carrément à se mettre en scène (comme Michael MOORE ou Agnès VARDA). Au sein de cette confrérie de plus en plus nombreuse, Nicolas PHILIBERT reste auréolé du titre de champion du box-office que lui a valu le triomphe populaire d’Être et avoir avec plus d’1,8 million d’entrées en 2002. La diversité de son inspiration fait toutefois de lui un auteur inclassable, comme le confirme son nouveau film, De chaque instant. Il y questionne le sens de la vocation à travers l’apprentissage professionnel et humain des élèves d’un institut de formation en soins infirmiers. Le réalisateur y observe surtout des jeunes femmes confrontées à des gestes simples et surtout à des personnes fragilisées au fil d’un processus qui va contribuer à les faire mûrir à l’accéléré sur le plan psychologique, sinon pour certaines à être propulsées dans l’âge adulte. Au passage, Philibert manifeste une empathie communicative pour son sujet et souligne l’implication et la générosité de ces professionnels de la santé en devenir que l’actualité ne mentionne généralement que pour souligner la dégradation de leurs conditions de travail, alors qu’ils comptent parmi les derniers à exercer un authentique sacerdoce, de la naissance à la mort. Ce beau film célèbre leur dévouement… de chaque instant.
Critique de Jean-Philippe GUERAND
Film documentaire français de Nicolas PHILIBERT (2018). 1h45.