On n’a pas fini de mesurer les effets de La Région sauvage d’Amat ESCALANTE sur le cinéma sud-américain. Alejandro FADEL, dont c’est le deuxième long métrage après Los Salvajes, aurait-il réalisé le même film sans l’apport étonnant de celui d’ESCALANTE ? Question vaine et surtout sans réponse mais, depuis sa sortie, les monstres tentaculaires savent s’inviter au milieu de films d’auteur au réalisme misérabiliste le plus rude, créant un choc esthétique étonnant. Ici aussi, donc, une mise en scène plus proche d’une sorte de naturalisme typique d’un cinéma d’auteur sud-américain, voit surgir un monstre étrange, répugnant et fortement sexué à la fois. L’enquête menée sur les agissements de la créature mène à un final étonnant et transgressif, point d’orgue d’une mutation du cinéaste. Sommes-nous face à un nouveau réalisme magique, pour reprendre l’expression d’un des plus grands écrivains du continent ? En tout cas, malgré certaines maladresses et une forme d’hallucination qui peut par moments sembler hasardeuse, Meurs monstre meurs participe à cet surprenant renouveau, celui d’un cinéma qui veut casser ses moules, ses propres pièges esthétiques, et avance en tâtonnant vers un futur encore abstrait, mais osé, surprenant. C’est déjà cela.
Critique de Pierre-Simon GUTMAN
Muere monstruo muere. Film argentin d’Alejandro FADEL (2018) avec Victor LOPEZ (II), Esteban BIGLIARDI, Tania CASCIANI. 1h39.