En filigrane du cinéma israélien affleure souvent le fil rouge de la survie d’un peuple et de sa cohabitation avec des Palestiniens sans terre. Sa vertu est de se réinventer en permanence autour de cette thématique obsessionnelle qui constitue le quotidien d’une nation sur la défensive qui est née de la Shoah. Tel Aviv on Fire passe ce sujet récurrent au crible de la comédie. Pour avoir imprudemment fanfaronné auprès d’un soldat de Tsahal, un Palestinien stagiaire sur un soap opera se voit chargé d’imaginer un dénouement qui satisfasse autant le public que ses producteurs. Cette parabole joyeuse et déjantée s’amuse de ces feuilletons télévisés orientaux qui connaissent un succès stupéfiant et font pleurer leurs adorateurs à travers des situations exagérées qui peuvent également prêter à sourire voire à rire un public non initié. C’est en jouant avec habileté de ce double niveau de lecture que Sameh ZOABI trousse un tableau de mœurs haut en couleur, en montrant que ce qui rapproche Israéliens et Palestiniens s’avère parfois aussi fort que ce qui les oppose. La mise en scène souligne avec humour l’artificialité de ce feuilleton qui donne des couleurs à un quotidien monochrome. Tel Aviv on Fire joue délibérément la carte de la comédie, à travers le jeu appuyé de ses interprètes, à commencer par son héros malgré lui, Kais NASHIF, couronné à Venise, et Lubna AZABAL, subtile égérie d’un cinéma oriental engagé qui trouve là l’un de ses plus beaux rôles depuis l’inoubliable Incendies.
Critique de Jean-Philippe GUERAND
Film luxemburgo-belgo-franco-israélien de Sameh ZOABI (2018), avec Kais NASHIF, Lubna AZABAL, Yaniv BITON. 1h37.