Les films d’horreur sont souvent en noir et blanc. Noir parce que l’horreur meurtrière qui s’y déploie nous fait douter de l’humanité dans son ensemble. Blanc parce que ce sont le plus souvent les populations bourgeoises des banlieues cossues qui s’y collent.
Us est à cet égard détonnant, puisque c’est un film en noir et noir, les héros dont le film nous invite à suivre les pas étant noirs, au sens afro-américain du terme. Soit une famille classique : le père, la mère, le fils, la fille. Qui sont logés dans une belle maison au bord d’un lac. Tout irait bien s’ils n’étaient agressés un soir par un groupe de prédateurs dont ils perçoivent rapidement que ceux-ci se présentent comme leurs doubles. Dès lors, il va falloir faire assaut de subtilité et de courage pour ne pas se laisser bêtement massacrer par leurs alter-ego. D’autant que visiblement tous leurs voisins subissent les mêmes outrages. A cet égard Us est un slasher presque conventionnel, qui joue habilement avec nos nerfs lorsque les personnages sont retenus en otages par leurs bourreaux (le film perd un peu de son intensité quand tout le monde prend la fuite, avant de rebondir). On n’est pas loin du Funny Game de HANEKE (le second degré, où d’aucuns voient du cynisme, en moins)… Mais le film prend parallèlement des directions moins ordinaires, qui convoque l’irrationnel, les méandres de la mémoire, et pourquoi pas le malaise (ce que nombre de films du même genre, trop mécaniques, peinent à provoquer). Ce qui nous incite à une certaine empathie pour ce film dont les images restent en mémoire. La dernière séquence, qui visite les coulisses d’un parc d’attraction, où ne prospèrent que des lapins blancs, n’est pas loin de nous faire penser à l’effrayant et étrange décor de Shining…
Critique de Yves ALION
Film américain de Jordan PEELE (2019), avec Lupita NYONG’O, Winston DUKE, Elisabeth MOSS. 1h 56.