Xavier DOLAN creuse le même sillon sans relâche avec la mère pour figure tutélaire. Dans son premier film anglophone, elles sont mêmes deux. La première est incarnée par Natalie PORTMAN. Elle a pour fils unique un petit prince à mi-chemin entre James DEAN et River PHŒNIX qui deviendra célèbre comme acteur sous le nom de John F. DONOVAN. La seconde est campée par Susan SARANDON. Son fils à elle a la tâche redoutable d’incarner le précédent dans un biopic dont le metteur en scène table sur l’identification de l’interprète à son personnage. L’occasion pour DOLAN de pratiquer une mise en abyme comme il en a le secret, avec une virtuosité hors du commun, en interrogeant la filiation. Le jeune prodige du cinéma québécois ne s’assagit qu’en apparence, dans la mesure où son film le plus radical demeure le premier, J’ai tué ma mère, dans lequel il affrontait ses démons il y a tout juste dix ans, devant et derrière la caméra. Ma vie avec John F. Donovan (DONOVAN débutant et s’achevant comme… DOLAN !) incarne dans son œuvre le passage à la maturité et tord le cou à toutes les rumeurs qui ont entouré sa lente gestation, en faisant un film maudit avant même que quiconque l’ait vu. Quid du personnage incarné par Jessica CHASTAIN ? Comme tous les créateurs exigeants, DOLAN a osé sacrifier un personnage qui lui a semblé a posteriori superfétatoire. Les cinéphiles en seront quittes pour d’interminables conjectures, mais les spectateurs voient l’œuvre modelée par son créateur. C’est l’essentiel.
Critique de Jean-Philippe GUERAND
The Death and Life of John F. Donovan Film québécois de Xavier DOLAN (2018), avec Kit HARINGTON, Natalie PORTMAN, Susan SARANDON. 2h03.