Valley of Stars, de Mani HAGHIGHI, sorti en en 2017, était surprenant, très bien filmé, très bien construit, même si le cinéaste semblait ne pas choisir entre différentes paraboles, politique, historique, mystique, cinématographique. Son nouveau film, courageux, conteste un ordre moral et des contraintes artistiques intolérables, en imaginant un serial killing des cinéastes iraniens (dont un certain Mani HAGHIGHI). On suit un réalisateur imaginaire, joué par Hassan MAJOONI, surpris de ne pas encore être la victime de cette hécatombe. Bien que terrifié, ce cinéaste empêché de travailler par la censure, est presque vexé de ne pas faire partie des assassinés. La créativité débordante de HAGHIGHI se retrouve ici (avec des hommages appuyés aux scènes oniriques de The Big Lebowski), sa belle énergie pour combattre les censeurs avec les armes de la satire et de l’excès baroque. Face à l’énergie de MAJOONI, on retrouve Leila HATAMI (Une séparation), dans un rôle de comédienne et des femmes fortes (la mère, la fille du cinéaste de fiction) qui le soutiennent dans sa lutte inégale. Au-delà des gouvernants, HAGHIGHI s’attaque très violemment à la crétinerie ravageuse présente sur les réseaux sociaux, une ennemie pour lui aussi dangereuse que les obscurantistes des pouvoirs traditionnels. La solitude de l’artiste dans un monde schizophrène, son isolement mêlé de mégalomanie : un homme se débat, acculé par les troupes alliées de l’imbécillité et de la dictature. Le rire amer est une défense possible.
Critique de René MARX
Film iranien de Mani HAGHIGHI (2018), avec Hassan MAJOONI, Leila HATAMI, Leyli RASHIDI, Paranaz IZADYAR. 1h47